miércoles, 27 de febrero de 2019

Autrefois, au temps de ma jeunesse

Autrefois, au temps de ma jeunesse, et même plus tard, quand j'aimais les romans d'aventure ou les mélodrames, j'ai vu que ce qui me passionnait surtout, c'était l'incertitude sur l'identité des personnes. C'est la grande ressource, inépuisée encore aujourd'hui, de la Fiction pathétique. Depuis Œdipe et Jocaste, ça n'a pas changé. Il est essentiel que le héros, quelque intuitif, d'ailleurs, qu'on le veuille imaginer, soit lui-même un personnage énigmatique. Cette imperdable puissance d'une idée banale tient sans doute à quelque pressentiment profond. C'est l'effet d'une vue directe, mais très antique, de la condition humaine. Je l'ai dit, chaque homme est sur terre pour signifier quelque chose qu'il ignore et réaliser ainsi une parcelle ou une montagne des matériaux invisibles dont sera bâtie la Cité de Dieu. Ne voir en Napoléon qu'un homme plus grand que les autres, assurément, mais ne signifiant rien au delà de ses actes, c'est invalider du même coup l'Avenir et le Passé, en disqualifiant toute
l'Histoire.

Bloy, Léon. L'âme de Napoléon. Paris: Mercure de France, 1912. P. 28-29.

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